« Cela va bientôt faire trois ans que j’ai pris en charge Monsieur T. à sa sortie d’hospitalisation pour une décompensation de diabète de type 2 et une obésité morbide, avec un IMC supérieur à 40. Agé de 74 ans, alité depuis près d’un an en raison de complications liées à sa pathologie, ce patient vit dans un appartement sans équipement médical adapté à son état, tel qu’un lit médicalisé ou des barres d’appui. Ce matin, je venais à peine de le quitter après lui avoir administré son traitement quotidien, de l’insuline pour son diabète et des diurétiques pour ses problèmes cardiaques, quand l’auxiliaire de vie m’a appelé en urgence. Monsieur T. présentait une hyperthermie à 39,5 °C, accompagnée de tremblements. Suspectant une infection sévère, j'ai recommandé de contacter immédiatement le Samu. Une évaluation a été faite, mais en raison de la difficulté à le déplacer en toute sécurité, Monsieur T. n’a pas été transporté à l’hôpital. Ma deuxième visite journalière est prévue à 18 H. À l'heure pile, je suis devant la porte de son appartement. « Bonsoir Monsieur T., comment ça va ce soir ? Vous vous sentez un peu mieux ? » « Bof, ça pourrait être pire. Le médecin est passé tout à l’heure, il voulait aussi me renvoyer à l’hôpital. Je lui ai dit non, comme au Samu ce matin ! De toute façon, ils ne pouvaient pas me transporter. Je ne rentrais ni sur la chaise ni sur le brancard. » « Monsieur T., soyez raisonnable. Vous avez une double infection, urinaire et pulmonaire. Il est impératif que vous alliez à l’hôpital. » « Non ! Je refuse de partir. Je reste ici ! » rétorque vivement Monsieur T. Voyant son état de fébrilité, je n’insiste pas davantage. Le danger semblant écarté, Monsieur T. commence à se détendre. Nous échangeons même quelques plaisanteries pendant que je lui fais une toilette et prends sa tension. Au moment où je m'apprête à quitter son appartement, la sonnerie retentit. La porte s’ouvre et quatre sapeurs-pompiers entrent. Ils sont venus pour transporter Monsieur T. à l’hôpital. Mâchoire serrée et regard un peu perdu, Monsieur T. ne dit pas un mot et n’oppose aucune résistance quand il est placé dans un brancard spécialement conçu pour les personnes obèses. Grâce à leur professionnalisme et à leur bonne humeur, ils parviennent à détendre un peu l’atmosphère. Une heure plus tard, Monsieur T. est admis dans le service de gérontologie du CHU… A suivre... (les noms et les lieux ont été modifiés)
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